Le rituel du sacro-saint repas à table est de moins en moins respecté. Pourtant, c’est un moment privilégié pour renforcer les liens familiaux et communiquer.
Il y a ceux qui regardent leur portable sous la table, ceux qui restent scotchés à l’écran de la télévision, ou les familles dans lesquelles chacun prend son repas à un moment différent… D’autres s’accrochent à la tradition du repas familial, à heure fixe, où l’on essaie de se parler, avec plus ou moins de réussite : les temps morts, les banalités, voire les disputes, font place, de temps en temps, à des échanges animés et agréables.
Juste des colocataires
Le repas familial, cuisiné et pris en commun est une tradition que l’on retrouve dans de nombreux pays. Mais, sous l’influence anglo-saxonne, et les coups de boutoirs de la société moderne, elle bat de l’aile. Dans un sondage réalisé par l’Institut Yougov pour la société de livraison de repas Allo Resto en 2017 auprès de 1 002 Français, 11 % des personnes interrogées déclarent manger devant la télévision, et 3 % devant l’ordinateur. Ce phénomène est encore plus marqué chez les jeunes, souligne une enquête réalisée par le quotidien Le Monde en 2012. 61 % des jeunes Français de 15-25 ans déclarent alors manger devant un écran. Un comportement souvent imposé par la solitude des étudiants, mais qui a tendance à perdurer quand ils fondent une famille. Pourtant, même si certains apprécient de ne plus être obligés de faire la conversation, la diminution des échanges est un risque pour la famille et la société. « Pour moi, le repas est le seul moment où l’on se retrouve en famille et où l’on peut échanger sur nos préoccupations quotidiennes, témoigne Yann, 50 ans. C’est vrai, parfois chacun s’enferme dans ses pensées et l’ambiance reste un peu lourde. D’autres fois, je monopolise la conversation avec mes soucis de boulot et tout le monde n’apprécie pas. Mais souvent, on réussit à établir un vrai dialogue. On se tient au courant de ce qui s’est passé dans la journée et de nos projets. Parfois, on se tape de bonnes tranches de rigolades. D’autres fois, on se dit des choses importantes, qui permettent de mieux se comprendre ou débloquent des frustrations. C’est un moment où se créent des liens. Si on n’a plus ça, alors on est juste des colocataires. »
Jouez !
Pour maintenir ce moment privilégié, il faut établir quelques règles le plus tôt possible : respecter des heures de repas, éteindre la télévision, interdire les téléphones mobiles et ne pas se lever à tout bout de champ. « Chez nous, les petits demandent la permission avant de quitter table et les plus grands doivent s’excuser. Sauf quand un repas de famille traîne en longueur et que les adultes se mettent à parler politique ! », admet Joëlle, 65 ans. Mais lorsque tout le monde se retrouve autour de la table, comment lancer la conversation ? Pour Fabrice Lacombe, consultant en communication spécialisé en développement personnel, « Communiquer ça s’apprend ». Lui, tire souvent parti des jeux ! Il vient de publier ses astuces aux éditions Gereso dans un livre intitulé Et si on se parlait à table ; 99 jeux pour favoriser le dialogue en famille. Pourquoi le jeu ? « Le jeu est essentiel dans le développement de l’enfant. Il permet d’expérimenter et de prendre du plaisir dans une situation qui n’est pas maîtrisée », affirme le consultant. En somme, il donne le courage de sortir de ses habitudes et de sa zone de confort, en sachant qu’on ne sera pas jugé et qu’il n’y aura pas de conséquences. Après tout, ce n’est qu’un jeu ! Il s’avère cependant très utile pour créer une ambiance bienveillante voire déclencher des conversations plus sérieuses. « Plus tôt l’enfant apprend à communiquer, à prendre sa place et à développer sa confiance en lui, plus il a de chance de s’épanouir dans sa vie d’adulte », souligne-t-il. Ses jeux préférés ? « Il y a le jeu des bisous : chaque joueur à son tour fait un bisou à la personne de son choix », raconte-t-il. Mais il conseille aussi, pour les plus grands, des jeux qui approfondissent la communication. On peut, par exemple, faire tourner une cuillère sur la table. Quand elle s’arrête, la personne vers laquelle elle pointe doit poser une question sur la famille qu’elle n’a jamais osé poser… Un bon moyen de débloquer des situations et délier les langues.
